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En Inde : rites sacrés dans la rivière Yamuna polluée

Affluent du Gange, la Yamuna est un des cours d’eau les plus pollués d’Inde et sûrement du monde. Alors que les fidèles hindous célébraient début novembre la fête de Chhath Puja, une nouvelle vague de mousse vraisemblablement provoquée par des rejets industriels, envahissait ses eaux. Une pollution de l’eau qui s’ajoutait à la pollution de l’air au-dessus de New Delhi.

Deuxième plus grand affluent du Gange, long de 1 200 km, la Yamuna est vénérée dans l’hindouisme sous le nom de « Déesse Yamuna ». Selon la mythologie hindoue, elle est la fille du Soleil et la sœur de Yama, le « Dieu de la mort ». Il est courant pour les gens de se baigner dans ses eaux sacrées pour se débarrasser de leurs péchés ; les derniers rites des morts sont également effectués sur ses rives. Durant les quatre jours du festival hindou de Chhath, qui s’est déroulé début novembre, de nombreuses familles sont venues célébrer la divinité par des offrandes.

Son importance n’est pas que culturelle. Elle alimente une plaine alluviale très fertile : plus de 50 millions de personnes en tirent leurs moyens de subsistance et de revenus. Elle alimente aussi en eau potable la ville de Delhi pour plus de 70 %.

REUTERS/Anushree Fadnavis

La célébration a donné lieu cette année à des images autant spectaculaires que dramatiques : alors que la capitale indienne et ses environs étaient déjà aux prises avec un épais brouillard toxique, la rivière s’est transformée en énorme bain moussant, dans lequel sont venus se baigner des milliers de personnes. Une mousse toxique s’est répandue dans la rivière et l’approvisionnement en eau d’une partie de la ville de Delhi a été interrompu.

Les autorités locales ont incriminé un « afflux important d’eaux usées et de déchets industriels » survenu en amont la semaine précédente. Ce n’est pas une première : ces épisodes de mousse se répètent chaque année. En 2020, un rapport gouvernemental avait estimé que la qualité de l’eau dans la rivière avait gravement empiré durant les cinq années précédentes.

 

De multiples causes de pollution

 

En cause, le rejet direct dans les eaux du fleuve de plus de la moitié des eaux usées des centres urbains. Submergée par une population croissante, New Delhi traite environ deux tiers de ses eaux usées mais quelquefois partiellement. Et des centaines de millions de litres sont encore déversés dans la Yamuna sans traitement, entraînant une concentration en phosphate élevée qui peut former des couches d’écume toxique en superficie de l’eau.

Les industries situées dans le bassin versant très urbanisé et dense chargent la rivière en métaux lourds, comme le fer. 44 millions de litres d’effluents industriels seraient déversés quotidiennement. Le plastique est une source plus récente de pollution, en dépit de l’interdiction des plastiques à usage unique depuis 2017. Delhi produit 251 674 tonnes de plastique chaque année, dont 50 % sont à usage unique. Ils pénètrent dans la rivière par les drains ouverts dans lesquels les habitants se débarrassent de leurs déchets.

New York Times

Des actions encore insuffisantes

 

Les autorités se sont engagées de longue date à nettoyer la Yamuna. Des centaines de millions de dollars ont été dépensés au cours des dernières décennies, sans grand résultat.

Le Yamuna Action Plan (YAP), intégré au grand projet de Ganga Action Plan (GAP), a été lancé en 1993 avec l’appui financier et politique du Japon. Considéré comme le plus grand projet de restauration pour l’Inde, avant tout destiné à la qualité de l’eau, il a fait l’objet de trois plans successifs. La phase III, toujours en cours, prévoit la construction d’une nouvelle station de traitement des eaux usées (STEP) à Okhla et la réhabilitation et la mise à niveau des STEP à Kondli et Rithala dans la région de Delhi.

Quinze villes le long de la Yamuna sont par ailleurs impliquées dans une campagne de purification lancée en 2018 par le Ministère de la Santé publique. Des stations d’épuration et des infrastructures d’égouts devraient permettre de mieux maîtriser le rejet d’eaux usées brutes dans l’eau.

Comme souvent, la faiblesse administrative et politique empêche toute efficacité. Le fait que la Yamuna forme la frontière entre Delhi et l’État de l’Uttar Pradesh complique le déploiement d’un plan massif de nettoyage.

Pour Avinash Mishra, conseiller principal sur les ressources en eau et en terre du gouvernement du Premier ministre Narendra Modi, le problème de la qualité de l’eau pourrait avoir des conséquences importantes sur l’économie du pays et la santé de sa population s’il n’est pas traité plus efficacement : « Dès que l’eau est contaminée, il y a pénurie d’eau, ce qui a un impact sur les journées de travail des hommes« , a-t-il déclaré. « Cela génère tellement de maladies d’origine hydrique que cela aura un impact sur (n)os services, (n)os industries, l’urbanisation et le niveau de vie de (n)otre population. »

C’est surtout un autre rapport à l’eau que la ville doit désormais adopter. Pour Sushmita Sengupta, géologue et responsable de programme senior au Center for Science and Environment à New Delhi, le problème fondamental vient du fait que « nous extrayons tout et en retour, nous ne rendons que les eaux usées » (article du New York Times, 11/11/2021).

La société civile s’organise de son côté : l’ONG Earth5R travaille ainsi avec les communautés locales pour mettre en place des projets fondés sur l’économie circulaire. Son but ? Réduire les rejets de déchets et promouvoir leur collecte.

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