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Nil Bleu

Entre vous et moi…

 

Fleuve-roi, le Nil est le berceau de la civilisation égyptienne et est l’un des plus grands fleuves au monde, avec ses 6 700 km de long. Ce que l’on sait moins, c’est que 90 % de ses ressources vient d’Ethiopie et qu’il traverse dix pays d’Afrique de l’Est !

Quant à moi, je suis fier d’être sa branche orientale et de contribuer à la majorité de son débit. Mon nom ?  Le Nil bleu . Pourquoi bleu me direz-vous ? En raison du limon qui me donne cette couleur foncée si particulière, contrairement à l’autre affluent, le Nil blanc, de couleur plus claire. Ensemble, nous formons le Nil en nous rejoignant à Khartoum ; le Nil poursuit ensuite son cours au Soudan puis en Egypte avant de se jeter dans la mer Méditerranée au nord du Caire.

Sans ce fleuve qui l’arrose généreusement, l’Égypte ne serait qu’un immense désert. Ce pays est un « don du Nil « , comme l’a écrit l’historien grec Hérodote dès le Ve siècle av. J.-C : 90% de ses ressources en eau proviennent du fleuve. C’est pourquoi la ressource en eau a toujours été au cœur des politiques de développement égyptiennes ; mais les revendications croissantes des États amont, en particulier sur mon périmètre modifient aujourd’hui profondément les équilibres géopolitiques de la région.

Le Nil bleu, bien que moins long que le Nil blanc, fournit 80% de l’eau qui abreuve les pays.

Dans l’intimité du Nil bleu

  • Source : Lac Tana (altitude 2730 m), sur les plateaux éthiopiens
  • Embouchure : Mer Méditerranée
  • Débit moyen : 1513 m3/s
  • Longueur cumulée : 1 600km (Nil bleu)/ 6700 km (totalité du fleuve Nil)
  • Bassin versant : 325 000 km² (Nil bleu)/ 3254 555 km² (totalité du bassin versant)
  • États traversés : Ethiopie, Soudan (Nil Bleu)/ dix pays sur la totalité du fleuve Nil
  • Affluents : plus de 28 en Ethiopie/ La Dinder au Soudan

Un peu d’histoire

C’est Pedro Paez, un Jésuite espagnol, qui découvre ma source pour la première fois en 1613. À compter de cette date, plusieurs explorateurs entreprennent de retracer mon cours, mais ce n’est qu’en 1968, à la demande de l’empereur Hailé Sélassié, qu’une équipe de 60 militaires et scientifiques, britanniques et éthiopiens, descend mon cours depuis le lac Tana jusqu’à la frontière soudanaise.

Je suis un fleuve auquel sont encore attachés des usages ancestraux (principalement liés à l’agriculture) et de nombreux mythes et pratiques religieuses. Mais aussi, moi, « l’Abay » comme m’appellent les éthiopiens et qui signifie « Nil foncé », suis une ressource stratégique. Depuis toujours pour l’Egypte et maintenant pour l’Ethiopie, devenue une puissance régionale. Elle revendique un partage de l’or bleu plus équitable pour assurer son développement.

De l’agriculture à l’énergie : les défis éthiopiens

L’agriculture : activité ancestrale forcée à la modernisation

Avec un autre affluent du Nil, l’Atbara, nous prenons naissance sur les hauts plateaux d’Ethiopie et nous sommes les deux principaux responsables de crues annuelles qui se produisent en été. Depuis l’Antiquité, j’ai rythmé la vie des populations riveraines et le rythme des récoltes… L’agriculture tire en effet partie de ces crues pourvoyeuses de limons garantissant la fertilité des terres.

L’agriculture représente encore aujourd’hui plus de 40% du produit intérieur brut du pays et 80% de ses emplois. La très grande majorité de la population vit en milieu rural, de l’agriculture familiale. Mais le paradoxe est là : ce pays, château d’eau de l’Afrique, affronte régulièrement la sécheresse et les famines qui en résultent. Huit à neuf millions de personnes ne mangent pas à leur faim, et quand sévit la sécheresse, comme en 2016, ce chiffre peut atteindre vingt millions. Car, sur les 3,7 millions d’hectares de terres agricoles, 3% seulement sont irriguées. Il est nécessaire d’élargir le périmètre irrigué mais aussi de moderniser les pratiques pour nourrir la population grandissante et éviter l’exode rural.

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pays riverains du fleuve Nil

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millions de personnes vivant dans ce bassin

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km de longueur totale du Nil

L’énergie : une autre ressource à exploiter

L’Ethiopie compte une population importante de plus de 90 millions d’habitants – deuxième pays le plus peuplé d’Afrique – et reste l’un des pays les plus pauvres du monde. Mettre en valeur ses immenses ressources énergétiques est une urgence et une priorité pour le gouvernement d’Addis Abeba.

Le pays a un potentiel hydroélectrique de 45 000 MW. Mais aujourd’hui, seul 5 % de ce potentiel serait exploité, soit environ 2250 MW. La politique nationale éthiopienne prévoit donc de porter cette capacité électrique nationale à plus de 17 300 MW, d’ici 2021. Pour y parvenir, le pays compte notamment sur le barrage de Grande renaissance pour générer 6 000 MW supplémentaires (lire encadré) et l’exporter au-delà du pays auprès de ses voisins immédiats ; Egypte, Soudan, Djibouti, Kenya. Les barrages de Roseires et de Sennar, déjà existants sur mon cours, sont vitaux pour le Soudan puisqu’ils produisent 80 % de la puissance électrique du pays.

Barrage de la Grande renaissance : un chantier sous hautes tensions

Au début des années 2000, l’Éthiopie s’est lancée dans la construction d’un barrage gigantesque pour garantir son autonomie énergétique et répondre à ses besoins de développement. Elle finance seule cet investissement de 4 milliards de dollars.

Le barrage de la Renaissance, construit sur mon cours, est prévu pour produire 6 000 MW- soit l’équivalent de six réacteurs nucléaires- et stocker près de 70 milliards de mètres cubes d’eau. Cet ouvrage titanesque deviendrait la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique.

La finalisation de la construction du barrage n’est cependant toujours pas terminée alors que les trois pays concernés – l’Éthiopie, l’Égypte et le Soudan – trouvent difficilement un accord sur son exploitation et les principes de coopération.

Quel fleuve pour demain ?

 

De grands besoins en électricité

 

Plus de 75 % de la population éthiopienne, principalement dans les campagnes, ne sont pas connectés au réseau électrique. Pour ceux qui le sont, les coupures électriques sont fréquentes et durables : trois mois par an en moyenne !

Selon des chiffres du Ministère de l’Energie, l’Ethiopie a ainsi besoin d’accroître sa production électrique de 20 % à 25 % par an. Si le pays mise en priorité sur l’hydroélectricité, le gouvernement développe également les parcs éoliens et photovoltaïques avec le concours des bailleurs de fonds internationaux. La capitale de l’Ethiopie, Addis Abeba, s’est engagée également à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 64 % d’ici 2030, notamment grâce aux énergies renouvelables.

75% de la population n’est pas encore connecté au réseau électrique

Le partage de la ressource en eau : un enjeu géopolitique

L’Égypte tire du Nil 90% de son eau potable, agricole ou industrielle. Le projet d’un méga-barrage de son voisin éthiopien lui fait donc craindre une réduction du débit du fleuve et une dérivation de l’eau en amont pour l’irrigation notamment.

Surtout, il va à l’encontre des traités historiques sur le Nil (1929 et 1956) qui protégeaient l’Égypte et le Soudan de toute modification du débit des eaux du Nil en accordant près de 87 % du débit du fleuve à l’Égypte et au Soudan. L’Égypte, même si elle reconnaît le droit au développement de l’Ethiopie, a donc engagé un bras de fer diplomatique avec l’Ethiopie, qui poursuit les travaux. Le Soudan, entre les deux, s’aligne progressivement sur la ligne éthiopienne.

Les choses évoluent lentement : un Comité national tripartite du barrage qui réunit Le Caire, Khartoum et Addis-Abeba a été créé et un accord de principe signé en 2015 pour privilégier la voie de la coopération sur les questions de compensation et de vente d’énergie. En mai 2018, le Soudan, l’Égypte et l’Éthiopie ont conclu un accord prévoyant un comité scientifique chargé d’étudier l’impact du barrage.

La diplomatie doit encore œuvrer, et vite, pour résoudre ce litige et déterminer la part des eaux du Nil pour chaque pays…

Des solutions pour la maîtrise de l’eau en Egypte

Pour répondre à la perte de maîtrise sur son approvisionnement en eau, l’Egypte cherche des solutions alternatives, à commencer par l’identification de nouvelles ressources. Des canaux sont en projet dans le désert de l’Ouest (canal de Toshka) et dans le Sinaï (canal de la Paix). Ils permettront de développer respectivement 200 000 ha et 250 000 ha de terres agricoles.

L’Egypte pourrait aussi exploiter l’immense nappe aquifère fossile du désert de l’Ouest, mais avec des coûts d’exploitation importants. D’autres réponses pourraient être envisagées : système d’irrigation au goutte-à-goutte, abandon de la gratuité de l’eau…

Voyage sur le Nil Bleu

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