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Le changement climatique menace la sécurité mondiale

Aux Etats-Unis, la Maison Blanche, le Pentagone et les agences américaines du renseignement ont chacun publié un rapport sur le risque que constitue le changement climatique pour la sécurité mondiale. Ces rapports prévoient des conflits liés aux ressources, et à l’eau en particulier, dans des régions peu en mesure de faire face aux effets du changement climatique.

 

Le changement climatique va exacerber les menaces à la sécurité mondiale déjà existantes. C’est le constat fait par les rapports de ces trois instances de sécurité américaines pour les décennies à venir.

Le rapport du Pentagone marque un tournant dans la manière dont celui-ci perçoit le changement climatique dans sa stratégie militaire. Jusqu’à présent, il s’agissait de mesurer les impacts de catastrophes comme les inondations ou de températures extrêmes sur les capacités militaires des pays. Désormais le changement climatique est considéré comme un phénomène en capacité de mener à une défaillance des Etats fragiles. Le Pentagone n’est d’ailleurs pas la seule organisation de sécurité à effectuer ce tournant : c’est ce qu’ont fait avant elle l’OTAN ou encore l’armée britannique.

Des gardiens de la paix de l’ONU au Soudan du Sud, après que de fortes précipitations et des inondations aient forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leurs maisons en Novembre 2019. REUTERS/Andreea Campeanu

Trois risques majeurs identifiés

Les trois rapports américains évoquent des menaces complexes et décrivent trois risques majeurs pour la sécurité mondiale d’ici à 2030 :

  1. Conflits liés à la sécurité alimentaire. Les activités de pêche, impactées par l’augmentation des températures et l’acidification de l’océan, et la production agricole touchée par la plus forte imprévisibilité des précipitations vont être perturbées. L’augmentation en conséquence des prix des produits de base pourrait créer de nouveaux conflits.
  2. Conflits liés à l’eau. Les prélèvements d’eau et le partage de la ressource pour des fleuves transfrontaliers comme le Nil ou le Mékong pourraient accentuer les tensions géopolitiques déjà fortes. Le National Intelligence Estimate (NIE) identifie des zones géographiques particulièrement à risque :

    ~ Le Pakistan, dépendant de l’Inde pour l’irrigation des eaux de surface en aval de rivières alimentées par des glaciers situés en Inde. Par ailleurs, le partage de données sur les débits en amont est indispensable pour anticiper les risques de crue et évacuer les villages.

    ~ Le bassin du Mékong, qui est déjà une zone de tension autour de la construction de barrages. La rétention d’eau dans ces réservoirs peut menacer les moyens de subsistance et de revenus des pays en aval, le Vietnam et le Cambodge.

    ~ Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, où 60% des eaux de surface sont transfrontalières et où l’ensemble des pays partage au moins un aquifère.

    Dans le NIE, les conflits liés à l’eau sont identifiés comme particulièrement probables du fait de l’absence d’accord de coopération dans la majeure partie des bassins fluviaux du monde ou du manque actuel de flexibilité des accords existants pour faire face au changement climatique. A l’échelle nationale, une gouvernance inefficace de la ressource en eau dans les pays en développement augmente par ailleurs leur vulnérabilité aux effets du changement climatique.

  3. Insécurité à l’échelle nationale, régionale et mondiale du fait des migrations climatiques forcées. Le rapport de la Maison Blanche insiste sur les effets du changement climatique – sécheresses ou autres évènements météorologiques extrêmes – sur l’émergence de conflits qui forceront des déplacements massifs de population. A ce sujet, la Maison Blanche recommande une meilleure intégration des migrations climatiques dans les programmes d’asile et d’accueil des réfugiés.

Le rapport indique par ailleurs que certains pays (Russie, Chine) pourraient profiter de cette situation, en soutenant les pays en proie à une instabilité politique en raison de phénomènes de migration.

 

Une vulnérabilité accrue des pays les moins résilients

Ce qu’il faut retenir de ces rapports est donc l’augmentation certaine des tensions géopolitiques dans les décennies à venir, du fait de l’incapacité de certains pays à faire face aux effets physiques et politiques du changement climatique. Ces effets seront ressentis de manière beaucoup plus catastrophique dans les pays déjà en proie à des évènements extrêmes et qui n’ont pas les capacités à en gérer les répercussions.

Le NIE identifie à ce sujet 11 pays particulièrement vulnérables : l’Afghanistan, la Colombie, le Guatemala, Haïti, le Honduras, l’Inde, l’Irak, le Myanmar, la Corée du Nord, le Nicaragua et le Pakistan. Dans ces pays, une sécurité hydrique, alimentaire et énergétique diminuée pourra exacerber la pauvreté, les tensions ethniques ou tribales, le mécontentement vis-à-vis des gouvernements et le risque d’instabilité sociale, économique et politique.

Source: National Intelligence Council, Climate Change and International Responses Increasing Challenges to US National Security Through 2040 (Washington, DC: National Intelligence Council, 2021)

Bien que le rapport pointe la vulnérabilité particulière de ces pays, il ne manque pas de décrire les menaces internes aux Etats-Unis, notamment en lien avec la montée du niveau de la mer, la sécheresse et les feux de forêt qui menacent des régions entières.

 

L’incapacité des Etats à mener une action coordonnée, un risque supplémentaire

Le NIE est pessimiste sur la possibilité d’une action internationale unifiée pour faire face à l’ensemble de ces risques alors que le temps dont nous disposons pour agir avant que le changement climatique ne fasse des dégâts irréparables est de plus en plus réduit.

Alok Sharma, President of COP26 at the closing ceremony. / Getty Images

L’échec de la communauté internationale à orchestrer une action coordonnée à l’échelle mondiale représente d’ailleurs un risque supplémentaire pour la sécurité internationale selon le NIE. L’usage unilatéral de la géo-ingénierie[1], en l’absence d’accord international qui en délimiterait l’utilisation, pourrait avoir des conséquences dramatiques. Une technologie liée à la géo-ingénierie utilisée d’un côté du globe pourrait avoir des conséquences incontrôlables sur le climat de régions de l’autre côté, déclenchant potentiellement des conflits à l’échelle mondiale.

Cette préoccupation est développée en détail dans le NIE : de nombreux pays, dans l’incapacité de repenser leurs économies, reportent dans le temps les réductions importantes de leurs émissions, semblant compter sur des technologies qui n’existent pas encore.

[1] La géo-ingénierie est l’ensemble des mesures prises dans l’objectif de modifier artificiellement le climat à grande échelle (injection stratosphérique d’aérosols pour augmenter l’albédo atmosphérique, déploiement d’un « bouclier solaire » par exemple).

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