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Le changement climatique, risque majeur pour l’écologie des fleuves

Selon une étude parue en octobre dans Earth’s Future, un journal de l’Union Géophysique Américaine, le changement climatique augmente considérablement le risque de basculement du fonctionnement écologique des fleuves du monde.

Dans cette étude coordonnée par un géographe de l’University College London, le risque de basculement écologique du fait du réchauffement climatique a été évalué pour 321 bassins versants, couvrant ainsi près de 50 % de la surface terrestre, avec les scénarios d’augmentation de la température mondiale de 1, 1,5, 2 et 3° C.

Les auteurs rappellent que le régime hydrique (variabilité, magnitude, fréquence, durée et rythme du débit) d’un fleuve est central pour le maintien de sa biodiversité aquatique et de l’intégrité de son écosystème. Des écosystèmes aquatiques sains sont indispensables pour maintenir les services offerts par les fleuves aux communautés humaines. Cette étude contribue donc à permettre aux autorités pertinentes d’anticiper certaines conséquences graves du changement climatique pour les sociétés humaines.

Rivière Dzhimdan, Russie

L’étude de Earth’s Future est la première à étudier l’impact du changement climatique sur le fonctionnement écologique des bassins versants à l’échelle mondiale, à travers l’évaluation du risque de baisse ou d’augmentation du débit des fleuves. Ce critère constitue un déterminant crucial des conditions pour la vie aquatique, notamment la température de l’eau et sa concentration en oxygène, ainsi que la connectivité entre les habitats, dont les plaines d’inondation.

Un réchauffement synonyme de basculement écologique

Les auteurs ont fait une découverte majeure : à l’échelle mondiale, la probabilité d’observer un avenir caractérisé par un risque élevé de basculement écologique en raison d’une modification du débit des fleuves augmente avec la magnitude du réchauffement climatique. Leurs modélisations prévoient un risque important d’affaiblissement et d’augmentation dramatique des débits ainsi qu’un risque prononcé de débits faibles avec le niveau de réchauffement le plus élevé, +3.0° C.

Ces conclusions, si elles sont mises en parallèle de l’incapacité des Etats à agir en coopération afin de limiter le réchauffement climatique en dessous de 2.0° C, sont particulièrement inquiétantes pour l’avenir des écosystèmes fluviaux dans le monde.

Pourcentage total des scores de risque dérivés des résultats du risque écologique dû à l’altération du débit pour les débits élevés et faibles pour chacun des 321 bassins et les quatre scénarios de réchauffement. Thompson, J. R., Gosling, S. N., Zaherpour, J., & Laizé, C. L. R. (2021). Increasing risk of ecological change to major rivers of the world with global warming. Earth’s Future, 9, e2021EF002048

Des régions du monde inégalement affectées

L’étude montre toutefois que les risques ne sont pas répartis de manière uniforme à travers le monde. Les fleuves des régions boréales (qui coulent vers le Nord en Sibérie et en Amérique du Nord), par exemple, sont moins susceptibles de subir des changements écologiques majeurs du fait du changement climatique. Mais cela ne veut pas dire que ces environnements ne font face à aucun risque, ou même à un risque faible ! Bien qu’il soit moins important que dans d’autres régions, le risque ne doit en aucun cas être négligé : dans ces hautes latitudes, l’augmentation des températures va avoir des impacts majeurs sur les écosystèmes. La fonte du permafrost en particulier, pourrait provoquer l’augmentation des débits par rapport aux scénarios de réchauffement utilisés dans l’étude, et représente donc un risque écologique conséquent.

En revanche, les fleuves d’Amérique du Sud, du Sud de l’Afrique, d’Australie, d’Europe du Sud et de l’Est et du centre des Etats-Unis sont les plus à risque de faire l’expérience d’un changement écologique majeur dû à un changement de débit.

 

Changement climatique et intervention humaine directe

L’étude ne prend pas en compte les interventions humaines sur le fleuve, qui peuvent modifier son débit ou sa morphologie (retenues, extraction de sable du lit du fleuve, canaux de dérivation, etc.). En revanche, la capacité de pouvoir réguler les fleuves pourrait aussi être utilisée pour réagir face aux impacts du changement climatique sur le débit et la température de l’eau !

Historiquement, les auteurs le rappellent, l’intervention humaine directe n’a pas contribué de manière significative aux fluctuations de débit des fleuves à l’échelle mondiale, en comparaison avec les effets indirects du changement climatique d’origine anthropique.  Toutefois, à l’échelle du bassin et pour plusieurs grands bassins d’Asie (Indus) et de l’Ouest des Etats-Unis (Colorado), l’action humaine directe est responsable de 5 à 15 % de la diminution des débits. Cela veut dire que l’étude peut potentiellement sous-estimer l’impact du changement climatique dans ces bassins déjà soumis à une pression accrue en raison de prélèvements d’eau trop intenses. Cela vaut aussi pour la biodiversité de la plupart des fleuves d’Europe, d’Asie Centrale, du Moyen-Orient, du sous-continent Indien et de l’Est de la Chine. Dans des régions comme le Nord de l’Australie, en revanche, l’intervention humaine sur les fleuves est relativement faible. Le changement climatique y aura donc un impact plus visible.

Pour réfléchir à des stratégies d’adaptation capables d’assurer la résilience des écosystèmes fluviaux, les auteurs insistent sur la nécessité d’identifier la part des contributions liées au réchauffement climatique et celles liées aux interventions humaines directes sur les fleuves.

 

Anticiper pour assurer la résilience des fleuves

Selon les auteurs, cette étude a été menée dans le but de fournir des informations sur les efforts déployés pour protéger et mieux gérer les écosystèmes fluviaux. La taille du bassin est la plus pertinente à cette fin. Il est essentiel à leurs yeux de prendre des mesures pour favoriser la résilience des rivières et de leurs écosystèmes au réchauffement climatique et pour harmoniser la consommation d’eau avec la fonction écologique, en anticipant une augmentation globale de la température d’au moins + 2° C. Il est nécessaire de prévoir des périodes d’étiage plus fréquentes : de graves dommages aux écosystèmes fluviaux seraient ainsi évités. En identifiant comme ils l’ont fait les hotspots de risque, il devient possible de cibler les efforts de conservation des écosystèmes afin de les rendre plus efficaces.

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