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Mobilisation internationale pour le dernier grand fleuve sauvage d'Europe

Rivière Vjosa. crédit GREGOR ŠUBIĆ

L’Albanie, ses plaines, ses montages et surtout… la Vjosa, dernier fleuve sauvage d’Europe. Préservé au fil des siècles, ce cours d’eau de 272 kilomètres est aujourd’hui en danger face à des projets de barrage et la faible protection de la qualité de la ressource en eau et des milieux.

 

Un fleuve mythique

L’Aoös, de son nom grec, s’écoule de manière assez libre sur près de 300 km, de la Grèce à l’Albanie, avant de se jeter dans la mer Adriatique. Seuls existent quelques barrages et réservoirs sur son cours amont, en Grèce pour les besoins de l’hydroélectricité et de l’agriculture. La Vjosa constitue donc un fleuve quasi-sauvage alors qu’en Europe, beaucoup de rivières et fleuves sont entravés (voir sur ce sujet l’article rédigé par IAGF : Les rivières d’Europe entravées). « C’est malheureusement l’une des dernières rescapées européennes, qui nous rappelle tristement à quoi ressemblaient beaucoup de cours d’eau de piedmonts montagneux il y a plusieurs siècles », explique Gilles Pinay, directeur de rechercher au CNRS. Avec ses flux sédimentaires riches et sa grande biodiversité, ce fleuve est devenu une référence et un laboratoire à ciel ouvert, abritant plus de 1 100 espèces, endémiques pour la plupart.

 

CC BY-SA 3.0

L’avenir de ce fleuve est néanmoins menacé par des projets hydroélectriques et de développement d’infrastructures près de son delta. Dès février 2020, des scientifiques experts de cet écosystème ont remis une pétition au Président albanais pour demander un moratoire sur ces programmes de développement et réunir scientifiques et politiques pour une stratégie durable de gestion de ce bassin. Au-delà de la question des infrastructures, il s’agit d’élaborer un modèle de gestion du bassin, face aux défis climatiques et économiques, en termes de disponibilité et d’allocation pour les différents usages, de l’agriculture à l’eau potable. Ce fleuve est en effet une des « sentinelles des changements liés aux impacts climatiques », selon Gilles Pinay.

La mobilisation s’est élargie, en 2021, pour protéger ce fleuve en réclamant son classement en Parc National.

 

Une campagne internationale

C’est à la veille des élections parlementaires albanaises du 25 avril 2021 que le sujet de la création du premier parc national pour ce fleuve a été lancé. Des activistes, des citoyens et des défenseurs de l’environnement, soutenus par des scientifiques, réclament ce statut pour stopper la construction de barrages. Le Parlement Européen a apporté partiellement son soutien à cette initiative, en appelant les autorités locales à « établir aussi vite que possible le parc national de la Vjosa, en l’étendant à toute la longueur du fleuve ». De son côté, l’UICN y voit une « opportunité rare de protéger l’un des derniers grands fleuves sauvages », selon Kathy MacKinnon, présidente de la Commission mondiale des aires protégées.

La demande initiale porte sur un statut nouveau, différent de celui des aires protégées. Il est inspiré du Wild and Scenic River Act en vigueur aux États-Unis. Selon Ulrich Eichelmann, directeur de l’ONG RiverWatch :

En Europe, il y a une volonté d’avoir un statut de protection spécifique similaire, parce que les catégories comme les sites Natura 2000 ne fonctionnent pas vraiment pour les rivières. Ce premier WRNP (Wild River National Park) européen aurait un réel effet politique ».

Pour ses promoteurs, il permettrait d’attirer un grand nombre d’écotouristes mais aussi et surtout de créer des revenus pour les communautés locales. Les habitants de la vallée se sont, de leur côté, exprimés par des pétitions, des manifestations et actions judiciaires contre la trentaine de projets de barrages.

En septembre 2020, des responsables politiques albanais ont annoncé publiquement que la « reine des rivières » allait devenir un parc national, pour protéger l’intégralité du fleuve et de ses affluents, tandis que le ministère du Tourisme et de l’Environnement émettait un avis négatif sur l’étude d’impact environnemental du projet de centrale de Kalivac, stoppant ainsi sa construction. Cependant, les citoyens et activistes locaux restent inquiets, alors que l’Albanie dépend toujours à 95 % de l’hydroélectricité pour sa fourniture en électricité. Ils viennent néanmoins de remporter une première victoire : le tribunal administratif de Tirana vient de rejeter la plainte déposée par le promoteur de la centrale, le consortium turco-albanais Ayen-Alb, qui contestait cette déclaration environnementale négative.

 

En savoir sur la Vjosa et son bassin : rapport européen : Vjosa River Assessment – 2017

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