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Naziano Filizola,  enseignant-chercheur à l’Université fédérale de l’Amazonas et coordinateur de Rios On Line

Rios On Line : un projet mené par et pour les citoyens amazoniens

Lors du voyage d’IAGF au Brésil en avril 2023, Sophie Gardette et Clémence Aubert ont rencontré Naziano Filizola, enseignant-chercheur à l’Université fédérale de l’Amazonas et coordinateur de Rios On Line, un projet citoyen qui les a beaucoup enthousiasmées. Entre recherche participative et sensibilisation au fleuve, les objectifs de ce projet recoupent ceux de notre association. Nous avons interviewé M. Filizola, en direct de Manaus, pour qu’il nous en dise plus.

 Pouvez-vous vous présenter brièvement ?

A la base, je suis géologue, mais je travaille actuellement comme hydrologue. Je m’occupe d’étudier les fleuves amazoniens du Brésil et des autres pays depuis 28 ans. Je suis né à Manaus et j’ai passé ma jeunesse à Brasilia. Petit, je naviguais sur les fleuves de la région avec mon père. J’ai d’abord travaillé au ministère des Mines et de l’Energie puis au sein de l’Agence nationale de l’Energie électrique. J’ai fait ma thèse à l’université de Toulouse avec l’Institut de recherche pour le développement (IRD) puis j’ai décidé de rentrer au Brésil.

J’ai fait le constat à l’époque qu’il n’y avait personne basé dans la région de l’Amazonie qui s’occupait d’étudier les fleuves.

Je travaille au sein du groupe H2A (Hydrosystème et Hommes en Amazonie), rattaché à l’Université fédérale de l’Amazonas et au Conseil national de recherche scientifique. Je suis le coordinateur du projet Rios On Line, sur lequel travaillent aussi quatre autres professeurs de l’université et cinq étudiants.

Quand le projet Rios On Line a-t-il été créé ? En quoi consiste-t-il ?

Le projet a été créé en 2005, suite à une sécheresse sans précédent. Nous disposions de capteurs pour mesurer l’eau mais ils ne fonctionnaient pas. Mes collègues de l’université et moi-même avons donc commencé à téléphoner aux observateurs situés au bord des fleuves afin qu’ils nous envoient des informations. Nous les transmettions ensuite à l’Agence de l’eau à Brasilia. C’est comme ça qu’est né ce projet à la fois participatif et citoyen de vulgarisation scientifique.

Nous avons commencé le projet d’observation des fleuves grâce au système D.

Cependant, nous n’avions pas de moyen pour établir un réseau, Internet ne marchant pas bien à ce moment-là. C’est en 2019 que nous avons trouvé la solution, avec l’expansion d’Internet dans l’Amazonie profonde : nous avons réuni les observateurs, créé un site web et ouvert un groupe informel sur WhatsApp. Ce dernier moyen, qui est plus léger techniquement, permet aux personnes de nous transmettre des informations

 de la manière la plus sécurisée possible, que ce soit sur l’état des fleuves ou sur le déboisement, l’orpaillage illégal ou tout autre problème rencontré au bord du fleuve. Il nous donne la possibilité de répondre à leurs questions afin de calmer leurs inquiétudes concernant les risques d’inondations ou de sécheresse, par exemple.

Notre réseau n’est pas très grand mais il est constitué de personnes qui sont attachées à la question des fleuves en Amazonie.

Nous sommes partis d’un réseau de huit personnes en 2019 : il compte maintenant 32 observateurs. Nous avons aussi un compte Instagram avec 680 followers qui peuvent également jouer le rôle de contributeurs en nous envoyant photos et vidéos des fleuves. L’ensemble des ressources est mis à la disposition de tous afin de mieux comprendre ce qui se passe sur les fleuves. Nous partageons des informations concernant l’Amazone mais aussi le rio Negro, le rio Solimões, le rio Branco, le rio Purus et le rio Madeira : nous documentons ainsi divers lieux du bassin amazonien. Nous voulons faire une science « rivièrante », un mélange académique et citoyen.

Quels sont vos projets et quels sont vos besoins pour y parvenir ?

Nous fonctionnons avec très peu d’argent : ce sont les participants citoyens qui permettent à ce projet d’exister. Nous faisons parfois des expositions dans des petites villes, dans la rue, sur une place, dans un café ou une école, avec les photos qui nous ont été envoyées sur Instagram. C’est l’occasion d’échanger avec la population locale. L’idée est de mettre le fleuve dans la rue. Nous en profitons pour expliquer aux personnes comment utiliser le GPS sur leur téléphone pour collecter et nous envoyer des informations quand elles sont au bord de l’Amazone : cela nous permet d’améliorer le modèle de prévision de changement de niveau des fleuves. Nous leur montrons aussi quelles informations fluviales sont déjà à disposition sur Internet.

Concernant nos financements, nous sommes en discussion avec l’agence locale de financement de la recherche à Manaus. Le problème est que cette agence finance uniquement des projets en lien avec l’Etat de l’Amazonas. Or nous couvrons toute la région du fleuve Amazone, que ce soit dans d’autres Etats du Brésil ou même hors du pays. Notre présence n’est pas encore très forte dans les pays de langue espagnole mais nous avons néanmoins des contacts au Pérou, en Bolivie et en Equateur. J’espère que nous pourrons bientôt traduire notre site web en espagnol. Nous avons aussi le projet de créer une application pour smartphones afin de faciliter les échanges d’informations.

Ce n’est pas le développement de la science qui est en jeu pour nous : nous avons déjà beaucoup de connaissances. Nous bénéficions notamment de l’observatoire HYBAM, qui est une structure unique financée par l’IRD, l’Institut national des sciences de l’Univers (INSU) et l’Observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse. Ce service réalise des mesures hydrologiques, sédimentaires et géochimiques dans les fleuves amazoniens depuis la Cordillère des Andes jusqu’à l’océan Atlantique. Ce qui nous manque, c’est une volonté politique d’utiliser la science pour développer la région. Les citoyens se rendent compte que des solutions sont disponibles mais ne savent pas qui contacter, ou ne savent pas expliquer les problèmes qu’ils ont constatés.

L’équipe de Rios On Line vise à faire le lien entre la population et les chercheurs afin de connecter ces deux réalités et de développer une politique publique locale.

Notre projet est simple et petit. Nous souhaitons tout simplement le maintenir vivant et que les populations locales et les nouvelles générations s’approprient cette initiative et le sujet des fleuves.

 

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