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Nouvelle-Zélande : quand un pays riche en eau fait face à la crise

En juillet 2020, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern annonçait un investissement de 761 millions de dollars pour entretenir ou rénover les infrastructures hydrauliques vieillissantes publiques du pays. Une annonce qui donnait le coup d’envoi d’un vaste plan établi sur trois ans, le Three Waters Reform Programme, qui concerne à la fois les services d’eau potable, les eaux usées et les eaux pluviales gérés par les autorités locales. Pour le gouvernement, cet investissement financier dans les infrastructures est aussi un investissement en faveur de la santé des populations et de l’environnement : il permettra notamment d’améliorer la qualité de l’eau potable et la résilience au changement climatique. Cette réforme inclut par ailleurs de nouvelles normes réglementaires et une nouvelle autorité des services d’eau « Taumata Arowai », depuis mars 2021.

 

Une organisation décentralisée du secteur de l’eau en question

 

© MaxPixel

En Nouvelle-Zélande, les services d’eau potable, d’eaux usées et d’eaux pluviales sont pour la plupart répartis entre 67 conseils différents, et nombre d’entre eux sont confrontés à un manque de ressources financières pour lancer des travaux de modernisation. Par ailleurs, ils ne sont pas en capacité de répondre au nouveau défi d’une meilleure préservation des milieux naturels face aux risques accrus de débordement des eaux pluviales et autres impacts du changement climatique.

 

Le système actuel est à bout de souffle : en 2016, une épidémie de l’eau à Campylobacter (bactérie responsable de maladies diarrhéiques), qui a causé la mort de quatre personnes et en a rendu malades plus de 5 000, a servi de révélateur quant à la qualité de l’eau potable. Plus récemment, une alerte au plomb a privé les habitants d’Otago d’eau potable. A cela s’ajoutent des ruptures de canalisations d’égouts, un mauvais traitement des eaux usées qui ruissellent ensuite dans les cours d’eau. Bernd Gundermann[1] rapporte que les eaux de ruissellement et l’excès d’eaux pluviales se déversent dans la mer par-dessus les plages, là où les canalisations se terminent. Tous les métaux lourds provenant des garnitures de frein des voitures, des toits en tôle des maisons, des gouttières et des tuyaux de descente sont emportés jusqu’aux plages. A Christchurch, les puits d’eau, situés en moyenne à seulement 25 m de profondeur, sont contaminés partiellement par les nitrates des terres agricoles. Depuis 2018, du chlorure est ajouté à l’eau potable de Christchurch, deuxième plus grande ville du pays, pour éviter toute contamination.

 

Une réforme controversée

 

Cette réorganisation du secteur de l’eau suscite de nombreuses oppositions locales, ayant amené le gouvernement à réserver un an après une nouvelle enveloppe de 2,5 milliards de dollars pour alléger la pression financière sur les conseils municipaux. 500 millions de dollars vont leur être immédiatement adressés pour amortir les coûts supplémentaires de la réforme et deux milliards sont prévus pour les investissements à venir.

La Ministre des collectivités locales, Nanaia Mahuta, a également annoncé en juin la création de quatre nouvelles entités régionales publiques d’ici trois ans pour définir un nouveau partenariat entre les autorités locales et le gouvernement central et maintenir les actifs liés à l’eau dans la sphère publique. Le gouvernement met notamment en avant le prix :

« Sans les réformes, les ménages pourraient s’attendre à payer de deux à cinq fois ce qu’ils paient actuellement pour les services d’eau »,

ainsi que l’effet de levier sur l’économie nationale et la meilleure prise en compte des besoins des communautés.

Au-delà du débat politique, cette réforme risque de ne pas s’attaquer au problème de la ressource en eau dans son intégralité. La protection des sources d’eau douce des pollutions agricoles et industrielles est ainsi traitée à part.

 

La nécessaire adaptation au changement climatique

De manière plus globale, la Nouvelle-Zélande doit faire face à une crise de l’eau, notamment en milieu urbain. Auckland a ainsi subi des restrictions d’eau pendant les deux derniers mois, la capacité de stockage de l’eau n’étant pas adaptée à la croissance rapide de la ville. La crise a des raisons multiples et structurelles :

  • L’augmentation de la population nationale (+25 % en 15 ans)
  • Des conditions climatiques de plus en plus variables (la Nouvelle-Zélande vient ainsi de vivre son hiver le plus doux jamais enregistré avec des températures de 1,32° C au-dessus de la moyenne)
  • Le vieillissement des infrastructures.

Les autorités doivent réfléchir à la manière dont elles peuvent soit augmenter l’offre, soit modifier les modes de consommation.

Le problème se pose au niveau planétaire. Dans une étude publiée le 3 aout 2021 dans la revue Nature, les auteurs estiment qu’un tiers de la population urbaine mondiale fait déjà face à des pénuries d’eau et que cette proportion augmentera à la moitié d’ici à 2050, exposant près de 300 grandes métropoles. Sur les trois prochaines décennies, les besoins en eau pour les foyers et pour l’industrie devraient croître de 50 à 80 % tandis que le changement climatique va affecter la répartition géographique et la disponibilité de la ressource. Les pistes proposées par les auteurs sont connues et variables d’un continent à l’autre : elles vont d’une amélioration de l’efficacité de l’utilisation de l’eau à la maîtrise de l’urbanisation dans les zones de pénurie d’eau, en passant par une meilleure analyse de la durabilité des solutions.

Current urban water scarcity – article « Future global urban water scarcity and potential solutions » – revue Nature – 3/08/2021

Augmenter l’approvisionnement en eau par la construction de réservoirs ou d’usines de désalinisation d’eau de mer est une solution coûteuse. Réduire la demande suppose d’agir sur les comportements et ce, de manière durable, pour affronter des étés plus chauds et plus secs. Incitations tarifaires et sensibilisation encouragent déjà les habitants d’Auckland à économiser l’eau : des compteurs d’eau ont été installés dans les années 1990 et les habitant sont facturés par unité d’eau consommée. Ils utilisent 30 % d’eau en moins par personne que les utilisateurs de Wellington, qui n’ont pas de compteurs et sont facturés à un taux fixe. Les factures d’eau des ménages contiennent aussi des informations utiles pour limiter leur consommation.

Pour les responsables politiques néo-zélandais, le défi consiste non seulement à modifier les choix des consommateurs d’eau en fixant des prix qui reflètent plus fidèlement la rareté de l’eau, mais aussi à faire évoluer le rapport à la ressource en eau dans un pays qui dispose de ressources naturelles abondantes. Bernd Gundermann va plus loin en estimant que le remède n’est pas l’argent ou le transfert de responsabilité mais une éthique de travail collectif. Favorable au principe de subsidiarité, pour traiter le problème là où il se pose et en tenant compte des capacités locales, il craint la dilution des responsabilités entre différentes strates administratives alors que la crise sanitaire actuelle pousse, un peu partout dans le monde, à un renforcement du pouvoir central.

 

[1] Membre d’IAGF, Bernd Gundermann est architecte et urbaniste, directeur d’Urbia Group Think Beyond. Il vit depuis plusieurs années en Nouvelle-Zélande.

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