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Afrique : le changement climatique déjà à l’œuvre

Pour la deuxième année consécutive, la saison des pluies en Afrique a été marquée par des inondations aux conséquences catastrophiques. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces phénomènes extrêmes est un des marqueurs du changement climatique. Cruelle injustice pour le continent qui participe le moins à l’émission de gaz à effets de serre.

 

Des chocs climatiques en augmentation

En septembre 2020, l’Afrique sahélienne a connu des épisodes d’inondations dévastatrices. D’Ouest en Est, douze pays, du Sénégal à l’Éthiopie, ont été touchés par des pluies intenses. La crue d’affluents du fleuve Niger, le débordement du bassin du lac Tchad ont poussé 360 000 personnes à quitter leur foyer. Au Soudan, 640 000 personnes ont été affectées par les inondations, le Nil a atteint son niveau le plus haut depuis les premiers relevés du fleuve, il y a une centaine d’années.

C’est la deuxième année consécutive que des pays d’Afrique sont en proie à des inondations aux proportions extrêmes. Comme toujours, la saison des moussons, de juillet à septembre, concentre la majeure partie des précipitations annuelles. Mais ces deux dernières années, cette saison présente un profil différent, qui semble se caractériser par des pluies plus courtes mais très abondantes, concentrées sur certaines zones.

Ainsi, pour le bassin du fleuve Sénégal, certaines stations de mesure affichent pour 2020 des hauteurs de pluie très excédentaires par rapport à la moyenne (1990-2020) dans le Nord-Ouest du bassin (Kayes et Bakel sur le cours principal du fleuve Sénégal ; Kidira) et à Gourbassi sur l’affluent Falémé. D’autres, au contraire, dans la partie sud, en amont du barrage de Manantali, relèvent une pluviométrie déficitaire. « Avec ses 11,5 milliards de m3 de retenue d’eau, le barrage de Manantali, installé sur le Bafing, principal affluent du Sénégal, a contribué à écrêter fortement la crue », témoigne Tamsir Ndiaye, Directeur général de la Société de Gestion de l’Énergie de Manantali, filiale de l’OMVS. Mais comme les relevés sur les différentes stations le montrent, c’est essentiellement le Falémé, en aval du barrage, qui a chargé le fleuve. Par endroits, la terre déjà saturée d’eau n’a pas pu absorber ces nouvelles quantités.

En d’autres zones, ces fortes précipitations font suite à des épisodes de sécheresse. Trop sèche, la terre  ne peut absorber les eaux abondantes, qui viennent alors tout lessiver : cultures, infrastructures, habitations… Les territoires sont d’autant plus vulnérables à ces inondations qu’ils ont connu des transformations rapides ces dernières années, avec l’exil des populations vers les villes, des constructions anarchiques, une urbanisation et des infrastructures mal adaptées…

Dans son rapport publié en octobre 2020, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) dresse l’état des lieux du climat en Afrique pour 2019. Elle note que « les précipitations annuelles montrent de forts contrastes géographiques en 2019, avec des volumes très en dessous des moyennes annuelles en Afrique du Sud et à l’Ouest des montagnes du Haut Atlas, et des précipitations au-dessus de la moyenne ont été enregistrées dans d’autres zones géographiques, en particulier en Afrique centrale et en Afrique de l’Est ». 

Cet état des lieux est « caractérisé par des températures en augmentation constante, une augmentation du niveau de la mer, associés à des aléas météorologiques et climatiques extrêmes ». Sécheresses et inondations vont s’intensifier selon les zones, faisant de l’Afrique un continent de plus en plus touché par les chocs climatiques. Le rapport souligne que « la situation évolue rapidement avec, sur le long terme, une augmentation des risques liés au climat ».

L’augmentation de la température en Afrique est désormais de 0,4° C par décennie, alors que le taux de réchauffement global est de 0,2° à 0,25° C par décennie. Cette transformation du climat menace les Africains. La sécheresse met en péril la production agricole, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance au sens large, dans la mesure où l’agriculture emploie 60% de la population en Afrique. L’augmentation des températures et des précipitations favorise également la propagation de la dengue, du paludisme et de la fièvre jaune.

Les populations les plus vulnérables sont les premières exposées

Les populations les plus exposées sont ainsi celles dont la responsabilité historique dans le dérèglement climatique est souvent la plus faible. C’est ce que relève Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe 1 du GIEC : « ce qui est notable, c’est que ceux qui sont le moins responsables, ceux qui ont le moins contribué en termes d’émission de gaz à effet de serre, qui ont la moindre capacité à agir, sont les plus exposés et les plus vulnérables aux conséquences du climat qui change. »*

Le continent africain abrite 17% de la population mondiale. On estime qu’il est à l’origine d’environ 3,5 % des émissions de CO2.

Dans son « Atlas de l’Afrique », l’Agence Française de Développement (AFD) expose les grands enjeux économiques et politiques que doit relever ce continent face aux changements climatiques à l’œuvre. Damien Navizet, responsable de la division climat, analyse : « l’Afrique est le continent où croissance urbaine et démographique seront les plus fortes : la majorité des infrastructures sont à construire, une main-d’œuvre importante est disponible et les besoins alimentaires croissants. Dans un contexte de ressources d’investissement limitées, ses capacités d’innovation sont un atout pour relever le défi de marier développement et climat, sachant que beaucoup de choix qui définiront sa trajectoire de développement sont encore ouverts. ».

Focus : l’OMVS, une gestion coordonnée

L’Organisation pour la Mise en Valeur du Fleuve Sénégal (OMVS) a été créée en 1972 par les pays traversés par le fleuve Sénégal : la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal. Elle est en charge de la gestion intégrée, de la mise en valeur et de la protection des ressources en eau du bassin du fleuve.

Très étendu, le bassin connaît de grandes disparités spatiales, allant des régions forestières très humides en Guinée, aux régions désertiques du sud de la Mauritanie. La pluviométrie du bassin est caractérisée par une très forte variabilité, spatiale, saisonnière et interannuelle. Afin de gérer la ressource en eau et atténuer les effets de cette grande variabilité, l’OMVS a érigé le barrage-centrale de Manantali, sur le Bafing (au Mali), qui assure aujourd’hui un rôle de régulation et permet de garantir de l’eau pour tous les usages. Ainsi, 255 000 ha de terres sont irrigués dans la vallée et 800 Gwh d’électricité est produite chaque année. Enfin, il devra permettre la navigation en continu et toute l’année, de Saint-Louis à Ambidédi. L’OMVS recourt également à des solutions fondées sur la nature pour limiter les impacts du changement climatique : entretien du couvert végétal et végétalisation qui aident à lutter contre l’érosion des sols et des berges.

Des infrastructures et actions d’autant plus nécessaires qu’à l’horizon 2050, il faut s’attendre à une situation alarmante, avec, notamment, une baisse de 25 à 30 % de la pluviométrie entraînant une diminution moyenne de 53 % des débits.

*Atelier des Fondations 2020 – Centre Français des Fonds et Fondations – 18/11/2020

Crédit photo : BOUREIMA HAMA / AFP 

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