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Au Moyen-Orient, les fleuves au cœur de l’actualité géopolitique

De l’Afghanistan aux territoires autonomes kurdes, en dehors des problématiques géopolitiques connues, les fleuves et la ressource en eau sont multiplicateurs de risques ou même utilisés comme armes de guerre.

 

Insécurité hydrique en Afghanistan

 

Un réservoir à sec à Kandahar. Photo: Xinhua/Rex/Shutterstock

En Afghanistan, où les Talibans ont repris le pouvoir mi-août 2021, assez peu d’attention a été consacrée à documenter la problématique pourtant grave d’insécurité hydrique. Les Afghans sont confrontés à la deuxième plus importante sécheresse en quatre ans. Rein Paulsen, Directeur du Bureau des Urgences et de la Résilience de la FAO (Food and Agricultural Organisation, instance onusienne), affirmait dans une conférence de presse depuis Kaboul mi-septembre que 7.3 millions de personnes en sont actuellement affectés. Dans un pays où la majorité de la population est rurale, dépend d’une agriculture vivrière pour sa survie et est largement isolé des pays voisins comme du reste de la communauté internationale, la sécheresse est une véritable condamnation. Un agriculteur dont les propos ont été recueillis par le journal The Guardian l’affirme :

 

Le véritable défi pour nous maintenant, c’est la sécheresse, pas la guerre ».

Rein Paulsen a rappelé quelques chiffres qui permettent de prendre la mesure de la catastrophe : l’agriculture représente 25 % du PIB du pays, 45 % de la main d’œuvre et 80 % des moyens de subsistance de la population afghane. Avec la sécheresse, l’agriculture est rendue difficile, voire impossible à certains endroits. L’eau auparavant obtenue sans frais depuis la rivière a maintenant un coût conséquent : il faut la pomper de plus en plus loin dans le sol. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 14 millions d’Afghans sont en situation d’urgence alimentaire. La crise hydrique a largement contribué à cette crise alimentaire. Cela pourrait modifier la réticence historique des dirigeants afghans à engager un dialogue à l’échelle régionale sur les ressources en eau partagées.

Car le défi est aussi extérieur. L’Afghanistan est un pays riche en ressources en eau, dont les pays voisins dépendent pour leurs propres besoins. Parmi les quatre bassins versants majeurs en Afghanistan (Amu Darya, Helmand, Harirud-Murghab, Kabul), l’Helmand est le seul fleuve pour lequel un traité de coopération existe, avec l’Iran. L’absence d’autres traités pour gérer la ressource en période de sécheresse rend la situation particulièrement explosive.

 

Les fleuves comme armes dans le conflit entre la Turquie et les territoires autonomes kurdes

 

Wikimedia Commons

Les montagnes de Turquie sont un véritable château d’eau pour la région : la source du Tigre et de l’Euphrate s’y trouvent (la Turquie contrôle 90 % de l’eau qui coule dans l’Euphrate et 44 % de celle qui coule dans le Tigre), et ces deux fleuves coulent ensuite en Irak et en Syrie. C’est au Nord de ces deux pays que vivent les Kurdes, en conflit avec la Turquie depuis près d’un siècle.

Au fil des années, la Turquie a construit une série de barrages sur ces deux fleuves pour en contrôler le débit. Mais depuis des mois, la Turquie ferme progressivement ces robinets, menaçant ainsi les centaines de milliers de Kurdes qui vivent en aval dans les régions autonomes gérées par les indépendantistes kurdes. Et cela en rupture de l’accord de 1987 avec l’Irak et la Syrie qui oblige normalement la Turquie à garantir un débit de 500 mètres cubes/s dans l’Euphrate. Aujourd’hui, le débit est à moins de 200 mètres cubes/s.

Cette sécheresse artificielle créée dans des plaines normalement arables affecte tous les aspects de la vie des populations. L’eau y manque maintenant pour boire, et la population est atteinte de maladies transmises par le recours à des sources d’eau non potable. L’agriculture, la pêche, et la production d’électricité (la région dépend à 80 % de l’hydroélectricité) sont touchées. En 2017, l’Etat islamique avait détruit les turbines des centrales, qui avaient été réparées par l’administration autonome. Mais aujourd’hui, il n’y a même plus assez d’eau pour les faire fonctionner.

L’eau et les infrastructures hydrauliques sont régulièrement attaquées lors de conflits. En visant directement des civils et en condamnant de facto des populations dépendantes d’une agriculture vivrière à la famine, Ankara détériore l’autonomie du Rojava et y favorise division et instabilité.

 

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