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La crise de l'eau au centre du nouveau rapport du GIEC

Lundi 28 février, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a rendu public le deuxième volet de son rapport, qui porte sur l’étude des impacts, de l’adaptation et de la vulnérabilité au changement climatique. Au sein de ce document de plus de 4 000 pages, un chapitre complet est dédié aux menaces qui planent sur les écosystèmes hydrologiques et sur les mesures urgentes d’adaptation à ces perturbations du cycle de l’eau. Un rapport à la fois éclairant et inquiétant, qui invite à se pencher davantage sur les questions de justice climatique et sur l’impact social et économique des mesures d’adaptation.


Source : GIEC (IPCC)

Ce rapport est le fruit du travail de 270 auteurs issus de 67 pays, qui ont réalisé la synthèse et la coordination de plus de 34 000 articles scientifiques.

Le constat général est atterrant : la température moyenne sur la planète s’est déjà réchauffée de 1,09° C par rapport à l’époque préindustrielle (période de référence : 1850-1900). Au-delà des dommages irréversibles ayant déjà eu lieu à cause de ce réchauffement d’origine humaine, l’étendue et l’ampleur des impacts analysés sont particulièrement élevées par rapport aux autres publications du panel inter-gouvernemental. Le groupe d’experts estime de plus que la plupart des risques mentionnés (sécheresse, canicule, tempêtes) sont inévitables, même si des mesures d’adaptation justes et rapides pourraient diminuer leur impact sur les populations.

La question de l’eau est centrale à l’adaptation au changement climatique

 

Si la question de l’eau est centrale tout au long de la lecture du rapport, le Chapitre 4 se consacre spécialement à la question de l’impact du changement climatique sur les cycles hydrologiques. Les auteurs soulignent ainsi que les évènements climatiques extrêmes de type inondation et sécheresse sont devenues plus probables et plus sévères en raison du changement climatique d’origine humaine. Mais les épisodes de sécheresse et d’inondation n’ont pas attendu pour augmenter en fréquence et en intensité : depuis les années 1970, 44 % des catastrophes climatiques sont liés à des situations d’inondations, et il est estimé qu’aujourd’hui déjà, la moitié de l’humanité souffre du manque d’eau au moins un mois chaque année.

Lac de Castillon, France (Source : C. Moirenc)

En ce qui concerne les évolutions futures, il est estimé qu’entre 42 % à 79 % des bassins hydrographiques du monde entier devraient être affectés de façon critique d’ici à 2050, ce qui aura un impact conséquent sur les écosystèmes d’eau douce et la capacité des réservoirs à assurer la sécurité en approvisionnement en eau. Par ailleurs, la part de la population soumise à une sécheresse extrême passerait de 3 % à 8 % d’ici 2100. En ce qui concerne la cause de ces perturbations, les auteurs répètent qu’elles sont avant tout dues au changement climatique anthropogénique, avant d’être la conséquence des activités humaines directes sur ces ressources (principalement l’utilisation des sols et la gestion de l’eau).

Les auteurs notent aussi que ces modifications exceptionnelles des cycles hydrologiques suivent le plus souvent une dynamique double. Tandis que le réchauffement climatique aura pour conséquence la baisse moyenne des débits en Amérique du Nord et de l’Est, Europe du Sud, Asie du Nord-Est et dans le sous-continent indien, il sera plus probablement à l’origine d’une augmentation des débits en Europe du Nord. Par ailleurs, si l’augmentation globale des températures atteint 4° C, il est estimé que 10 % de l’espace terrestre mondial expérimentera simultanément des débits extrêmement hauts et extrêmement bas d’ici à 2100, affectant le quotidien de 2,1 milliards de personnes.

Chaque degré compte dans la lutte contre le réchauffement climatique

 

Le rapport souligne que l’efficacité de l’adaptation à ces perturbations hydrologiques dépend grandement du scénario de réchauffement envisagé. Pour l’adaptation aux risques liés à l’eau (sécheresses, inondations, canicules), le rapport précise que l’efficacité diminue grandement au-delà d’un réchauffement à +2° C, justifiant d’autant plus la nécessité de rester sous le seuil du réchauffement de 1,5° C. Mais quand bien même ce scénario serait respecté, les capacités d’adaptation restent limitées, en particulier pour les îles et les régions dépendantes des glaciers et de la fonte des neiges.

Dans le cas où le changement climatique provoquerait une augmentation de +4° C des températures globales, les dommages liés aux inondations seraient multipliés par quatre ou cinq, alors qu’il ne serait que doublé dans le cadre d’un maintien de l’élévation des températures entre 1,5° C et 3° C. Idem pour la part de la population exposée aux risques d’inondation en bordure de fleuve, qui augmenterait de 400 % dans un scénario à 4° C, contre « seulement » 120 % en cas de maintien en dessous de 2° C.

Au cœur du rapport, la question de la justice sociale

 

Le rapport insiste bien sur le fait que les impacts du changement climatique, très majoritairement négatifs, sont ressentis de façon disproportionnée par les populations déjà vulnérables. Les changements des cycles hydrologiques affecteront en premier « les pauvres, les femmes, les enfants, les communautés indigènes, les personnes âgées, partout dans le monde et en particulier dans l’hémisphère Sud, en raison d’inégalités systémiques qui dérivent d’un processus de marginalisation historique, socioéconomique et politique », précisent les experts.

De plus, les pays à faibles revenus font face à des barrières supplémentaires pour accéder aux financements des projets d’adaptation, étant donné les pressions déjà existantes sur les budgets. Par ailleurs, dans le cas de la ressource en eau, les mesures d’adaptation peuvent entrer en conflit avec des mesures d’atténuation du changement climatique, et ainsi mener à des arbitrages difficiles. Le rapport souligne que les projets de capture carbone, de biomasse, de reforestation ou d’afforestation demandent un apport considérable en eau, ce qui pourrait menacer la sécurité de l’approvisionnement  des populations.

L’emphase est mise sur l’importance de la justice climatique dans la prise de décision pour contrer les effets du changement climatique, que les auteurs déclinent sous les concepts de justice redistributive (juste allocation des poids et des bénéfices), de justice procédurale (participation juste aux processus de décision), et de reconnaissance (considération équitable des différents points de vue et cultures). Les experts soutiennent ainsi que les mesures d’adaptation doivent être prises au prisme d’une gouvernance inclusive, qui priorise l’équité et la justice.

Liée à la question de la justice environnementale, le rapport s’attaque aussi à la question des migrations climatiques, et insiste sur la nature inégalitaire de ces mouvements de populations. Les experts estiment que les changements hydrologiques causés par le changement climatique multiplieront par sept les demandes d’asile en Union européenne, et par cinq les déplacements internes de populations dans les régions sub-sahariennes, d’Asie du Sud et d’Amérique latine.

 

L’apport conséquent des sciences sociales et économiques 

 

Les impacts du changement climatique sont aussi évalués en termes monétaires, ce qui est une variation importante par rapport au premier rapport du panel. Dans le Chapitre 4, les experts constatent que les changements des cycles hydrologiques dus au changement climatique, entre 1983 et 2009, ont provoqué des pertes agricoles d’un montant de 166 milliards de dollars. Les risques et impacts sont aussi évalués en termes de pertes de PIB passées et futures. Les pertes liées à l’eau pourraient faire diminuer le PIB de 0.1 % à 0.49 %, avec une augmentation de ce chiffre pour les pays pauvres ou en développement.

Le rapport met aussi en valeur d’autres types de connaissances, en reconnaissant l’importance simultanée des savoirs « locaux, indigènes et techniques ». Afin de ne pas mener à des politiques de mal-adaptation verrouillant les situations de vulnérabilité et d’exposition aux risques, les politiques d’adaptation doivent donc être le fruit d’une coopération entre ces différents types de savoirs.

Baignades dans le Gange (Source : IAGF)

Découvrir les cartes postales des futurs possibles de la Terre sur trois sites dans le monde,  à partir des projections faites par le GIEC, dans le Washington Post 

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