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Sécheresse inquiétante en Asie Centrale

 

Le changement climatique, qui se manifeste par une sécheresse particulièrement violente cet été 2021, est un facteur aggravant de la détérioration de la ressource en eau en Asie Centrale. Si des plans d’adaptation au changement climatique ne sont pas adoptés au plus vite dans la région, la crise écologique, déjà largement économique, sociale et politique, pourrait avoir de graves conséquences géopolitiques.

Le changement climatique ressenti de plein fouet en Asie Centrale

 

L’Asie Centrale est une des régions du monde les plus vulnérables au changement climatique : le 3e rapport national sur le climat de la République kirghize, rédigé dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le climat, montre que la température annuelle moyenne au Kirghizstan s’est élevée de +1.6 ° C au cours des 100 dernières années, quand, à l’échelle mondiale, cette augmentation n’est « que » de +0.6° C.

 

Amu Darya River – © Sergey Dzyuba / Shutterstock

Dès le début de l’année 2021, des scientifiques des agences météorologiques et des responsables politiques d’Asie Centrale ont alerté sur le bas niveau des fleuves et rivières et la sécheresse à venir lors des mois d’été. C’est cet aspect du changement climatique qui est le plus prégnant dans cette région continentale montagneuse et largement dépendante de la fonte des glaciers du Tien Shan (« Monts Célestes ») pour l’alimentation des fleuves de la région et donc pour son approvisionnement en eau.

De plus en plus, et particulièrement en 2021, le phénomène climatique à l’œuvre est celui d’un changement dans le régime de précipitations en basse et en haute altitude. Au niveau des glaciers du Tien Shan , cela se traduit par davantage de précipitations sous forme de pluie que sous forme de neige, selon des études scientifiques récentes. L’écoulement qui résulte de la fonte des glaciers est devenu plus instable et plus rapide. Au lieu d’un écoulement stable et constant qui assure la régénération des nappes phréatiques et l’irrigation des cultures, le caractère plus imprévisible du débit des fleuves impacte la disponibilité de la ressource en eau. En parallèle de ce phénomène de modification des précipitations en haute altitude, on observe des températures extrêmement élevées en basse altitude (de 7 à 10 degrés plus élevées que les normales de saison en juin 2021 en Ouzbékistan) et une baisse des précipitations. En conséquence, une sécheresse ravage actuellement l’Asie Centrale.

 

Les conséquences sur les sociétés centrasiatiques

 

© UN in Uzbekistan

D’abord, la sécheresse et les températures extrêmes empêchent un bon développement agricole et un cercle vicieux apparaît : avec des températures plus élevées, les cultures ont besoin de davantage d’eau pour survivre, au moment même où la ressource en eau est moins disponible. La conséquence directe est la perte d’une grande partie des récoltes insuffisamment irriguées. Cela se traduit au final par une double crise alimentaire due à la pénurie et à l’augmentation du prix de la nourriture. Cette année, les effets de la sécheresse sur la production agricole sont aussi couplés aux effets du Covid-19 qui avait déjà largement affecté la chaîne d’approvisionnement.

La sécheresse induit également une quantité insuffisante d’herbe et de foin pour nourrir le bétail, dont l’élevage assure pourtant la survie d’un pan très important de la population en Asie Centrale, près de la moitié de la population de la région vivant en zone rurale.

Le manque de précipitations conduit à un niveau des fleuves et rivières anormalement bas et à une chute du niveau des nappes phréatiques, qui a conduit cet été à un rationnement de la consommation d’eau pour les habitants dans certaines villes ouzbèkes de la région de Samarkand à cause du niveau trop bas de la rivière Zarafshan.

Enfin, en Asie Centrale, le réseau de fleuves a aussi un rôle de production d’hydroélectricité. La plus forte variabilité de la disponibilité de la ressource crée une incertitude supplémentaire pour le Kazakhstan et l’Ouzbékistan en aval qui craignent un non-respect des accords de partage de l’eau et de l’énergie produite par les barrages. En juin, le réservoir de Toktogul au Kirghizstan, un des plus importants de la région en termes de production d’énergie, retenait 10.9 milliards de mètres cubes d’eau, ce qui est bien loin des 14.4 milliards de mètres cubes enregistrés au mois de juin 2019.

 

Un manque flagrant d’anticipation politique

 

Soldat kirghiz à Golovnoi – © Danil Usmanov

L’inquiétude grandit face à un risque de conflit lié à l’eau en Asie Centrale, à la lumière d’évènements récents. En avril 2021, une tension sur la ressource en eau opposant des communautés rurales situées à la frontière entre le Tadjikistan et le Kirghizstan s’est rapidement transformée en conflit ouvert. Coups de feu et tirs de mortiers ont fait 36 morts côté kirghiz et 20 côté tadjik, et ont forcé des milliers d’habitants à fuir leurs villages.

En revanche, un accord de partage de la ressource en eau entre le Tadjikistan et le Kazakhstan signé fin mai 2021 constitue un modèle positif de coopération pour la région.

Ces événements mettent en exergue le manque de plans structurés d’adaptation aux effets du changement climatique dans un cadre national et transfrontalier. Les problématiques environnementales, qui vont prendre toujours plus d’importance dans les années à venir, s’insèrent dans un contexte géopolitique de tension plus large. Il est absolument nécessaire que des accords de partage de la ressource en eau entre pays centrasiatiques soient mis en place, ou actualisés et protégés pour assurer leur respect et donc la paix entre communautés transfrontalières.

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